Rencontre avec Thierry Lurton, propriétaire du Château de Camarsac
Quand vous avez repris le Château de Camarsac, qu’est-ce qui vous a le plus inspiré dans ce lieu ?
L’inspiration est vraiment au cœur de notre travail. Camarsac, c’est une diversité étonnante : une maison forte du XIVe, un colombier du XVIIe, un chai solaire du XXIe… Tout cela, ancré dans des sols variés, calcaire, argile, boulbène, aux orientations et altitudes différentes. Cette richesse m’a poussé à imaginer des assemblages harmonieux, aux saveurs multiples.

Vous dites ne pas vouloir faire du Château de Camarsac un musée figé, mais un lieu vivant. Comment cette ambition se traduit-elle concrètement dans le domaine ?
Avant d’être viticulteur, j’étais éducateur. J’ai toujours voulu créer des ponts entre les gens, les générations, les époques. Pour moi, la tradition donne sens à la modernité. On le ressent dans nos bâtiments, dans nos vins… et jusqu’à la cuisine du restaurant.
Entouré d’une centaine d’hectares de forêt, votre domaine semble hors du temps. Quel lien avez-vous avec cette nature ?
Mon premier souvenir ici : un chevreuil au milieu d’une friche d’acacias. Ma vision, c’est que l’homme fait partie de la nature. Je crois en une écologie nourrie de science, loin des extrêmes. On s’inspire de nos aînés, de leur intelligence… mais aussi de leurs erreurs. L’essentiel, c’est de préparer l’avenir, pour que nos enfants vivent en harmonie avec ce monde.
Vous avez engagé le domaine dans une démarche écologique forte, avec un cuvier solaire et la récupération des eaux de pluie. Pourquoi ces choix, et que changent-ils concrètement au quotidien ?
C’est une écologie pragmatique. J’essaie de faire ce que je peux : préserver le climat, les sols, la biodiversité. J’emploie aussi des jeunes du village pendant les vacances. Rien d’exceptionnel, mais une volonté d’agir là où je suis, avec mes moyens.
Comment conjuguez-vous votre engagement environnemental avec les réalités parfois contraignantes du vignoble bordelais, entre pression sanitaire et conditions climatiques ?
Toute démarche comporte ses contradictions. Il faut produire de bons vins à prix raisonnables, permettre aux gens de travailler, préserver la vie familiale. Pour concilier tout cela, il faut réfléchir, écouter le terroir, prendre des décisions, et parfois se tromper. L’important, c’est de rester humain.
Quels sont vos projets pour demain, dans un monde du vin en pleine évolution et riche en défis ?
Le vin suit des cycles, et Camarsac évolue avec lui. En 2007, j’ai posé deux slogans : « Un vin autour du monde, un monde autour du vin » pour notre ouverture à l’international, et « Camarsac, les jardins de la ville » pour affirmer notre ancrage local et notre volonté d’accueil. Si nos vins voyagent un peu moins, c’est le monde que nous faisons venir ici, grâce aux visites, à la culture, au restaurant. Camarsac continue d’être un lieu vivant.
Si je vous pose un plateau de charcuteries et de terrines sur la table… quelle bouteille de Camarsac ouvrez-vous sans hésiter ?
Pour un apéro rapide, le Prince Noir : un vin classique, homogène. À table, je sors la Vieilles Vignes, plus complexe, pleine de surprises. Et pour un long repas, le Prestige. Il faut le carafer, lui laisser du temps… même le lendemain, il peut encore révéler de nouvelles saveurs.
La Maison Chamvermeil met à l’honneur le Château de Camarsac à travers un coffret réunissant trois cuvées. Que dit cette sélection de la richesse et de la diversité de vos vins ?
Faire du vin, c’est comme faire la cuisine. À partir d’un même fruit, selon le terroir, la récolte, la vinification, on crée une carte. Comme le fait ma fille au restaurant. Ce coffret, c’est la richesse de nos sols, de nos gestes, et du savoir-faire de l’équipe.
Quel message avez-vous envie de transmettre à ceux qui découvriront Camarsac à travers ce coffret ?
J’espère que cette découverte vous donnera envie de venir nous voir. Bien sûr, on ne peut pas toujours faire tout ce dont on a envie… mais l’envie est un moteur puissant pour façonner notre imaginaire.
La trilogie de Carmasac